Skip to content Skip to footer

«  Chaque perle cousue est une mémoire tissée, une résistance à l’oubli. »

YVELINE TROPEA

'"Citation"

L'artiste

Yveline Tropéa développe depuis plus de vingt ans une œuvre artistique singulière qui mêle perlage, broderie et dessin dans des créations d’une richesse visuelle saisissante. Reconnue pour ses dessins perlés où chaque perle devient un point de couleur savamment orchestré, elle transforme la toile en un kaléidoscope narratif peuplé de personnages, d’animaux et de symboles puissants.

Son travail, qu’elle décrit elle-même comme « plus instinctif que réfléchi et assez mystérieux », s’apparente au dessin automatique des surréalistes. Cette approche libère son esprit et lui permet de jouer le rôle de « récepteur d’informations » qu’elle traite et transmet à travers ses œuvres. Des formes apparaissent, parfois monstrueuses, puis des couleurs, créant des compositions où se mêlent ironie, drame et poésie.

Partageant sa vie entre la France et le Burkina Faso depuis 2001, Yveline Tropéa puise dans ces deux univers culturels pour nourrir une création qui transcende les frontières. Ses œuvres, exposées en Afrique, en France, aux États-Unis et en Suisse, touchent un public international par leur capacité à révéler l’universalité des émotions humaines.

Le parcours artistique

Un chemin artistique singulier

Le parcours d’Yveline Tropéa est marqué par des ruptures et des révélations qui ont façonné son langage artistique unique. Formée en France où elle exerce d’abord le métier de comédienne, elle développe dans les années 90 un travail sculptural ambitieux, réalisant de grands bas-reliefs en papier mâché teinté dans la masse, influencée par le mouvement Cobra pour lequel elle crée des aquagravures.

Le tournant de 2000 marque une période sombre dans sa création. Atteinte d’une méningite, Yveline voit la couleur disparaître totalement de son travail. Tout s’assombrit. Ses créations d’alors, têtes d’inspiration tribale et animaux réalisés selon une technique particulière de papier tressé, trituré et torsadé sur armatures de fil de fer, témoignent de cette période difficile.

La révélation de 2004 survient lors de son premier séjour de six mois au Burkina Faso. Après avoir expérimenté le bronze, le tissage et la terre, elle revient en France avec une sculpture qui va changer sa trajectoire artistique : une tête entièrement brodée à la main, réalisée avec une jeune femme locale. « J’avais enfin retrouvé la couleur, c’était fondamental, le fil remplaçait le papier », se souvient-elle.

Cette rencontre fortuite avec la broderie africaine devient une évidence. En 2005, lors de son retour au Burkina Faso, Yveline découvre que la jeune femme a organisé un atelier de sept brodeuses pour honorer sa commande. « Jamais je n’avais pensé à travailler avec des femmes, mais tout s’ouvrait à moi comme une évidence. »

Un voyage initiatique au Bénin en 2009 enrichit encore sa technique. À Abomey, elle découvre les parures de cérémonie Egungun recouvertes de sequins, portées pour faire revenir les esprits des défunts. Cette expérience l’amène à intégrer sequins puis perles dans ses créations, technique qu’elle développe depuis avec une maîtrise consommée.

L'atelier collaboratif

Un travail d’équipe au cœur de l’Afrique

En 2006, Yveline Tropéa fonde son propre atelier au Burkina Faso, créant un espace de création collective unique qui rassemble aujourd’hui huit femmes âgées de 20 à 45 ans. Cet atelier, qu’elle compare à une « compagnie » en référence à son passé de comédienne, fonctionne sur la base d’un véritable travail d’équipe dans un climat de confiance et de joie.

Un échange de savoir-faire et d’histoires Au-delà de la dimension technique, cet atelier est un lieu d’échange profondément humain. Les femmes qui prêtent leurs mains expertes à Yveline lui confient leurs histoires : récits d’amour, d’enfance et de famille, mais aussi témoignages plus douloureux d’injustices, d’accidents, d’excision ou d’enfants soldats. Ces fragments de vie imprègnent l’œuvre de l’artiste, devenant la matière première de créations qui portent ces voix souvent inentendues.

Le processus créatif collaboratif Une fois le dessin réalisé et la composition définie, Yveline se concentre sur le choix minutieux des matériaux : types de perles, tailles, couleurs, fils. Chaque perle est ensuite piquée et enserrée par un fil qui la traverse, lui donnant « une place, une justesse, une existence ». Ce travail de couture, minutieux et patient, transforme selon elle « la douleur en un scintillement joyeux, comme une cicatrice que l’on panse, que l’on répare ».

Une temporalité africaine L’Afrique offre à cette démarche artistique une temporalité différente, plus lente que celle de l’Occident « où tout doit aller très vite ». Cette approche permet de renouer avec des savoir-faire ancestraux, ces « gestes qui viennent de loin au service de la création contemporaine ». Les collaboratrices de l’atelier sont fières de contribuer à ce travail qu’elles trouvent « très beau », participant ainsi à leur manière à un processus de réparation par l’art.

Cette dimension collective et réparatrice fait écho au rêve longtemps caressé par Yveline de travailler avec le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix, « cet homme dévoué à la cause des femmes violées et mutilées, celui qui ‘répare’ les femmes ». À travers son art, elle s’efforce de porter ces témoignages « comme un cri, pour que l’adulte et l’enfant puissent se reconnaître ».